25 oct. 2020

[Blog N°22] Elle est la Nuit - Récit d'une naissance douloureuse

Mon amour pour Stephen King n'est, je pense, un secret pour aucun de mes lecteurs. En dédicace, je parle régulièrement de ses romans avec d'autres fans ; la joie m'envahit quand on place mon thriller fantastique Creuse la Mort au même niveau que ses romans ; il y a cependant, au-delà de sa personne et de son œuvre, une autre chose que j'adore chez lui : sa capacité à mettre en perspective l'écriture de ses romans, à nous raconter à nous, lecteurs, comment l'idée de telle ou telle histoire lui est venue.
Dans mon cas, je constate que cela est bien différent. Vous dire quand et comment l'inspiration m'a frappé pour l'écriture de mes romans relève presque de l'impossible. Pour Les Décharnés, les années passées à lire et regarder tout ce qui touchait aux zombies y sont évidemment pour beaucoup ; j'avais envie d'écrire une histoire de zombies, certes classique, mais située en France avec un anti-héros pour personnage principal : c'est ce que j'ai fait en centrant le récit sur l'Homme. Pour Creuse la Mort, et c'est l'exception, je me souviens très clairement avoir eu les premières idées lorsque, les yeux fermés sur un ferry en Thaïlande, je luttais contre un affreux mal de mer. C'est bien le seul pour lequel je peux situer avec tant de précision l'arrivée de l'inspiration. Même les orphelins de Windrasor, eux qui m'ont pourtant accompagné de si nombreuses années et avec qui j'ai vécu tant d'aventures, sont nés de manière floue. Quand ont-ils commencé à me hanter ? Je ne sais plus. Ils ont pris vie alors que j'écrivais Creuse la Mort et sont nés sur le papier dans la foulée. Quand ? Comment ? Pourquoi ? Mystère...
Pour Elle est la Nuit, tout a commencé en août 2018 alors que j'écrivais le tout dernier épisode de Les Orphelins de Windrasor. Une histoire a commencé à se former dans mon esprit sans que je sois capable d'en expliquer l'origine. J'avais un point de départ, un point d'arrivée, quelques idées, des personnages déjà bien ancrés en moi et, surtout, je pouvais déjà ressentir l'ambiance qui se glisserait entre les pages de ce futur livre. Je tenais mon prochain roman... Alors que certains auteurs, je le sais, se seraient empressés d'entamer l'écriture, j'ai ordonné, me sachant incapable de mener de front l'écriture de deux histoires différentes, à cette nouvelle histoire d'attendre son tour et l'ai reléguée au fond de mon esprit. Du moins j'ai essayé. Inlassablement, elle revenait à l'assaut. Alors, je l'ai exorcisée en lui accordant le droit de mettre un premier pied dans la réalité... Non pas en entamant l'écriture, mais en composant une ébauche de couverture (ci-contre), en la nommant et en lui trouvant son futur cadre. Étonnement, alors que l'histoire restait assez vague, je savais déjà que le lieu où elle se déroulerait revêtirait une importance cruciale, que la ville de l'action serait un personnage à part entière. Surtout, je souhaitais me lancer un nouveau défi en situant le roman dans une ville réelle. C'est le hasard qui m'a mené jusqu'à Lewistown, petite ville de 6000 habitants au cœur du Montana, dans laquelle j'ai passé tant d'heures à me promener grâce à Google Street View. Enfin, « Nuits Noires à Lewistown », son premier titre, prenait corps.
Lewistown, Montana
Et cela a suffi à la faire taire... pour un temps. J'ai pu me consacrer à l'écriture de la fin de Les Orphelins de Windrasor sans idées parasites. Il a fallu attendre novembre pour qu'elle revienne à l'assaut et me pousse, malgré la naissance de ma petite fille le 1er septembre 2018, à écrire un premier chapitre. Là, comme vous prochainement, je rencontrais Clarence et Leslie, deux frères que j'avais l'impression d'avoir toujours connus. Tout se mettait en place. Par magie. Je me permettais même d'envoyer ce premier chapitre à ma famille pour avoir de premiers retours. Je venais à peine de finir l'écriture d'une longue saga et, déjà, j'étais prêt à foncer tête baissée dans ce nouveau récit. La vie m'a rappelé à l'ordre. Ne lisez là aucune rancune, aucun regret, uniquement l'écho d'une frustration réprimée et largement compensée. Car, les fêtes de fin d'année passées, janvier a vu deux événements majeurs se produire dans ma vie : l'emménagement de ma petite famille dans notre première maison et la fin du congé maternité de ma conjointe.
Encore une fois, je ne m'en plains pas, j'ai même eu beaucoup de chance et je le sais, mais ce serait mentir que de dire que ces changements n'ont pas bouleversé ma vie. Depuis 2015, je me consacrais exclusivement à mon activité d'auteur, de chez moi, seul, en totale liberté. Depuis septembre 2018, nous apprenions, ma conjointe et moi, à être des parents, mais je pouvais encore me permettre de m'échapper de temps à autre pour travailler. Dorénavant, la garde de ma fille m'incombait entièrement la journée et il y avait cette maison... dans laquelle il y avait pas mal de boulot. La vie m'a rappelé à l'ordre. Elle m'a donné des priorités et je ne le regrette pas. Paul Clément, l'auteur, a du se taire à son tour, s'oublier, pour que Paul, le père, le bricoleur, apprenne à jongler avec les biberons, les couches et les outils. Je mentirais, là aussi, si je disais que cela a été facile tous les jours. Les parents savent ce que c'est ; les autres peuvent l'imaginer.
Ainsi, il m'a fallu près de six mois pour me sentir le courage de me relancer dans l'écriture de ce sixième roman qui, je le sentais, se faisait déjà attendre par les lecteurs qui avaient terminé Les Orphelins de Windrasor (et encore plus par ceux qui n'avaient pas tenté cette aventure et attendaient un nouveau thriller horrifique depuis 2016). Un objectif : le sortir en octobre 2019 pour les Halliennales auxquelles j'avais la chance d'être de nouveau sélectionné. Ça n'a pas été une réussite. Les idées étaient là, jamais loin ; la concentration, elle, manquait. J'ai écrit trois chapitres en juin et en juillet... Une misère.
Les Halliennales 2019, sans ce sixième roman
Pourquoi cela n'a pas fonctionné ? Je ne sais pas exactement. Ma petite fille a très rapidement fait ses nuits, elle faisait la sieste tous les jours, j'avais du temps (un peu, du moins), mais quelque chose n'allait pas. J'aurais pu écrire le soir, comme je l'avais fait pour Les Décharnés, jusque tard parfois, je n'en ai jamais trouvé le courage ni l'envie. J'avais les idées ailleurs...
J'ai donc dû attendre l'automne 2019, un après la sortie de mon précédent roman, pour me trouver enfin dans le bon état d'esprit. Aux 20,000 mots écrits en plus de 9 mois, se sont ajoutés en un an 160,000 autres, pour donner un roman dont l'ampleur (deux fois plus long que Les Décharnés) m'a moi-même étonné. Pour beaucoup de mes collègues auteurs, une moyenne d'écriture de moins de 15,000 mots par mois peut sembler une bagatelle, mais, aujourd'hui, alors que la sortie de Elle est la Nuit approche à très grands pas, je suis fier et heureux. Fier d'avoir su conjuguer mon activité d'auteur et mon rôle de papa ; heureux d'avoir vu grandir ma petite fille, d'avoir eu la chance de passer tant de temps avec elle, même si je m'en suis voulu de la laisser parfois jouer seule à mes côtés tandis que je progressais dans l'histoire. Fier de cette histoire qui, je l'espère, vous transportera autant qu'elle m'a transporté pendant son écriture ; fier de découvrir, jour après jour, la personne radieuse que devient ma fille. Heureux d'être si bien entouré et aimé.
Ce sixième roman nous, vous autant que moi, aura fait attendre ; il sera très bientôt là maintenant. Et ce n'est qu'entre vos mains que les heures de doute, de bataille contre moi-même, d’abnégation, de persévérance se justifieront enfin. Écrire ce roman a été dur, m'en a coûté, mais je l'ai écrit avec amour. J'espère qu'il vous plaira.
De mon côté, il ne me reste plus qu'à me reposer, à recharger les batteries après des semaines de corrections particulièrement éprouvantes et voir dans quelle direction mon esprit, enfin délivré de ce roman choral, se tournera. L'inspiration frappe toujours... Quand ? Je ne sais pas. Comment ? Je ne sais pas. Je n'ai qu'une certitude : elle frappera encore... Bientôt.

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1 commentaire

Ilana
Merci pour ce partage, Mr Paul "King" Clément ; )
4 nov. 2020 at 20h01 • Répondre
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